jeudi 12 novembre 2009

Ce n'est pas pareil, à Montréal

Le jeudi 12 novembre 2009, 13h30  Texte d’un courriel à M. Réjean Tremblay, comme suite à son article «À quand des idées nouvelles?» Vous avez bien fait d’écrire votre article «À quand des idées nouvelles?», car il peut amorcer une réflexion, une prise de conscience face au rendement actuel du Canadien. J’aimerais vous faire part de ma réflexion sur la question. La ville de Montréal est intéressante pour quiconque arrive d’une autre grande ville. Le fait français, le caractère cosmopolite, les divertissements ou types de sorties, avec, bien entendu, un impressionnant catalogue de restaurants. Tout nouveau joueur de hockey qui atterrit ici peut aisément s’étourdir pendant plusieurs mois avant de revenir sur terre. Cela constitue un avantage pour Montréal, mais une importante source de distraction. Nos joueurs semblent croire que le Canadien fait un bon petit cocon, peut-être trop confortable. Nous avons réputation, à Montréal, d’être très humains, de connaître la vie et de comprendre beaucoup de choses. Les joueurs n’ont qu’à circuler en ville pour se rendre compte qu’en majorité, les gens les aiment tout de suite, avant même qu’ils aient eu à faire leurs preuves. Autre avantage pour la réputation de Montréal, mais source de mollesse pour les joueurs. J’ai passablement réfléchi à ce qui peut être cause qu’un joueur qui ne donne pas sa mesure à Montréal soit échangé à une autre équipe, et que, peu après son arrivée chez l’autre équipe, il se met à produire et ça nous écœure (lig. écOEure) parce que l’on avait essayé par tous les moyens de le faire produire à Montréal et que ça n’a jamais rien donné. La mentalité, ici, est plus latine, ce qui est loin d’être un défaut, mais la mentalité anglo-saxonne (anglo-klaxonne, comme je l’appelle quelquefois) est davantage axée sur la discipline et sur le respect de règles parfois rigides, tandis que la mentalité montréalaise est plus relax, disons plus gauchiste, plus tolérante des particularités de chacun. Autre avantage pour la réputation de Montréal, mais source de manque de caractère chez les joueurs. Nos joueurs sont bien traités par l’organisation du Canadien et notre équipe n’est pas une équipe méchante, c’est-à-dire qu’aucun de nos joueurs n’est prêt à expédier un adversaire à l’hôpital, encore moins à la morgue, pour remporter la Coupe Stanley. Quand je regarde s’affronter deux autres équipes, notamment celles de l’Ouest, je trouve que ça patine raide, vite, fort, et que ça plaque à outrance, tandis que notre équipe à nous a tendance à miser sur son agilité, sur sa rapidité ou sur son talent, plutôt que sur un jeu brutal qui lui semblerait inhumain et qui semble en opposition avec la longue et bienveillante tradition des Glorieux. Notre équipe aime également faire de beaux jeux et marquer de beaux buts, tandis que nombre d’autres équipes n’ont aucun scrupule à s’assembler autour du filet adverse et à tenter de faire pénétrer la rondelle sans que cela ait été précédé d’une belle passe ou d’un beau jeu. C’est peut-être ce qui nous en a fait pardonner beaucoup à Kovalev, qui incarnait l’élégance et le jeu savant, et c’est uniquement l’influence anglo-saxonne qui nous a portés à huer, quand on le voyait patiner, patiner, avec la rondelle, sans tirer au but, comme si son unique plaisir consistait à garder la rondelle le plus longtemps possible, sans tenir compte de l’horloge. Impossible de lui en vouloir, étant donné que, tout jeune, c’était ça qui le passionnait, contourner tout le monde sans perdre la rondelle. Il a eu les défauts de ses qualités, en somme, mais on appréciait sa magie, presque au mépris des résultats. Ici, à Montréal, en raison de ce qui précède, quand on aime bien quelqu’un, l’on est passablement réceptifs à assouplir les règles, tandis que la mentalité anglo-saxonne est plus encline à appliquer de manière stricte ses règlements, quitte à faire des cadeaux pour manifester son adhésion, son approbation. Différence de mentalité qui constitue un avantage pour la réputation de Montréal, mais source de désengagement chez les joueurs. J’ai cru remarquer qu’après s’être fait huer, au Centre Bell, l’équipe a tendance à se ressaisir et à tout faire pour mieux jouer, pour donner satisfaction. C’est une équipe qui ne carbure pas uniquement à l’attaque, mais à l’amour, à l’adulation. Pas une seule fois, jusqu’ici, dans mon texte, n’ai-je écrit le nom de M. Bob Gainey. Je ne crois pas qu’il y ait de sa faute, puisque chaque équipe a ses pommes pourries, ses atouts, ses joueurs moyens, ses flancs-mous, ses bébés gâtés, etc. Certains joueurs peuvent arriver ici avec une certaine réputation, bonne ou mauvaise, et donner de bons résultats parce qu’ils se sentent en confiance avec l’entraîneur-chef et son équipe, et d’autres peuvent manquer de produire parce qu’ils ne se sentent pas en confiance. Je ne crois pas que l’organisation du Canadien abuse de ses partisans. Chaque partisan demeure, d’ailleurs, en tout temps, parfaitement libre de s’abonner, ou non, ou d’assister à un match, à l’occasion, sans s’imposer d’assister à tous les matches. J’ai très confiance en Jacques Martin, qui semble diriger ses joueurs avec franchise et intégrité et semble également connaître le dosage entre faire sentir important un joueur ou le faire sentir si important que ça lui monte à la tête. C’est un équilibre délicat à réaliser et à maintenir. Pour conclure, je pense qu’il n’y a pas d’équipe parfaite et que le Canadien non plus n’est pas une équipe parfaite. La raison pour laquelle je préfère le Canadien, outre le fait que je suis de Montréal et que mes racines et mes meilleurs souvenirs d’enfance sont ici, est qu’il y subsiste un certain fond peut-être chrétien, ou en tout cas humaniste, compatissant, humain, compréhensif, empathique, qui fait que nos joueurs, soit individuellement, soit collectivement, trouveraient que la Coupe Stanley goûte très amer s’il leur eût fallu, pour la remporter, expédier à l’hôpital ou à la morgue l’un ou l’autre de leurs adversaires. Je pense que c’est ça, l’identité du Canadien: un groupe de gens bons, au lieu que de jambons. Cela peut leur en faire pardonner beaucoup, sitôt qu’on y réfléchit un peu.

Bonne journée et merci de votre article, qui m’a inspiré ce qui précède.

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